Craftivism

Il y a quelques semaines , j’ai découvert le mouvement Craftivism , qu’on pourrait traduire par créactivisme, ou résistance créative. Tout a commencé par un heureux hasard .Quand je brode ou que je fais du crochet j’aime écouter la radio, de la musique et des podcasts. Ce jour là, je lance Radio Canal B, qui est une radio rennaise. Et je tombe sur l’interview d’une galeriste , elle gère La minuscule (la plus petite galerie d’art du monde) . Sa prochaine exposition sera celle d’Inès Cassigneul. Le hasard existe t il ? Car il s’avère qu’un an auparavant, quasi jour pour jour, j’avais vu cette artiste sur scène à Pont Scorff. Dans la carte d’Elaine , un conte arthurien mis en scène et en musique, accompagné d’un immense jeu de l’oie brodé à la main.( https://www.sentimentalefoule.com/BRODERIES ) Et Inés parle broderie, et…de craftivism. Un moyen de militer et passer des messages, par le biais de la broderie, entre autres. Je me lance dans des recherches , et c’est passionnant. J’ai trouvé un moyen de militer qui me convient plus que d’aller manifester. Ce mouvement venant des pays anglosaxons, la majorité des informations que j’ai pu trouver sont en anglais. Je vais tenter de vous les traduire et les résumer pour vous.

oeuvre d’Adrienne Doig

« Old skills, new ways » Ce mouvement utilise des savoirs faire traditionnels pour partager des messages politiques, des opinions, ou mener des campagnes de sensibilisation. Par le bisais de travaux d’aiguilles, de point de croix, du tricot (yarn bombing ou tricot-graffiti ) ,de bannières en tissus, d’art postal etc. C’est un art de protestation douce, qui permet à chacun.e de trouver sa propre manière de contester. C’est l’activisme des discrets et des timides. Parfait pour les intoverti.e.s et les agoraphobes. Cette manière de créer rappelle le mouvement punk et leur fameux « Do it yourself » ‘Faites le vous même », il n’y a pas besoin d’être un expert, il n’y a pas de règles à respecter , ni de recherche de perfection . Et si c’est fait avec des éléments de récupération ou de seconde main, c’est encore mieux. Simplement faire, être dans l’action. Essayer, y mettre son coeur , créer avec sincérité. Vos créations sont votre voix, et là dedans il n’y a aucune question de genre, de milieu social, ou de couleur de peau. Chacun.e a sa place et fait ce qu’il.elle peut.

« Il n’est pas question d’action de masse, mais plutôt prendre conscience de ce que chacun peut faire pour rendre les choses meilleures. »

« making a difference , one person at a time »

C’est simplement se servir de ce que nous ont appris nos aïeules ; cette manière de faire montre aussi la beauté et l’importance des savoirs faire , de la transmission entre les générations , tout au long de l’histoire.

projet de soutien pour une association caritative en angleterre

Cet activisme est un activisme lent, qui prend du temps. Et cela montre bien la force de l’engagement de ceux et celle qui le façonnent. L’artisanat connecte la main, la tête et le coeur. Il connecte aussi les personnes. Certains craftivistes comme Sarah Corbett au Royaume Uni , proposent des sittings, des rassemblements qui pourraient presque faire penser à des pique-niques . Selon elle , cela permet de mettre en place un espace calme et sécurisant pour discuter et faire passer des messages. En investissant de la sorte l’espace public, silencieusement , ils intriguent les passants. Ce qui provoque d’une manière sympathique les conversations, et pousse les gens à réfléchir.

« Si nous voulons un monde beau, bienveillant et juste, alors pourquoi notre activisme n’est pas beau, bienveillant et juste ? « 

Il n’y a pas besoin de crier (même si parfois cela fait du bien ) « Hurler n’aide pas à changer les choses, mais le dialogue si. » Oui je vous entends déjà, vous allez me dire, c’est une rébellion de bisounours. Mais il y autant besoin d’actions chocs, , de personnes qui soulèvent les pavés des rues, que de rêveurs et d’artistes qui aideront à questionner notre société autrement.

végétalisation et tricot en Espagne

Le terme Craftivism apparait en 2003. Il est crée par l’américaine Betsy Greer (https://craftivism.com/) . Elle est sociologue, artisane, et écrivain. En 2004 , elle rédige un mémoire sur le tricot, la culture Do It Yourself et les projets collectifs. En 2008, elle publie le livre Knitting for good (faire du tricot pour la bonne cause) ; ou comment le tricot et la créativité peuvent améliorer votre vie, les vies de ceux qui vous entourent voire du monde entier. En 2014, elle sort une anthologie avec la contribution de 33 créateurs, artistes, artisans, dans laquelle elle les interroge sur comment leurs savoirs faire créatifs peuvent faire de ce monde un monde meilleur. De ses collaborations émergent le manifeste du Craftivism (et là je vous laisse le traduire ) :craftivism-manifesto-2.0.pdf . Elle a crée un projet autour des injonctions faites aux femmes sur leurs corps, des fausses croyances , des stéréotypes . Afin de relâcher cette pression sociétale concernant le corps et la quête de perfection.

projet collectif « You are so very beautiful »

Mais cette forme d’activisme n’est pas nouvelle. Les suffragettes qui se sont battues pour le droit de vote des femmes au début de 20ème siècle, utilisaient la broderie et la couture afin de communiquer leur lutte. Des bannières , ou même dans leurs tenues avec les trois couleurs violet, blanc et vert (Give : green/vert, Women: white/blanc ; Vote :violet)

1914 la sufragette Helen Hitchcock

Jusqu’aux mouvements des femmes noires aux Etats Unis dans les années 70, ou encore les manifestations anti nucléaire en Angleterre dans les années 80. En passant, par les créations des femmes sous le régime de Pinochet au Chili, qui pour lutter contre leur chagrin et l’absence de leurs hommes torturés ou emprisonnés. Cousaient des tableaux avec les bouts de tissus qu’elles trouvaient, dénonçant les actions du gouvernement en place.

photo issue du site craftingagreenworld.com

L’exploration de ce mouvement et de ce que nous pouvons créer, est sûrement sans fin. Et cela donne de l’espoir. Il y a une phrase en particulier qui a fait écho en moi « Des atrocités se passent tout autour de nous, même dans notre propre télévision. Et nous avons besoin d’un moyen de réagir face à tout ce qu’il se passe, sans avoir parfois envie de baisser les bras , ou d’exploser. » C’est parfois ce que je ressens, l’envie de laisser tomber ou d’imploser. Pour ma part je me suis essayé pour cet article à créer mes premières contributions au créactivisme. Cela m’a pris du temps, car je n’avais pas fait de point de croix depuis mon enfance. Donc on peut considérer ça comme un apprentissage, et j’ai aussi utilisé un nouveau point de broderie . Et j’ai compris pourquoi Sarah Corbett qualifiait ce qu’elle fait de « slow activism » (activisme lent). Je n’ai d’ailleurs pas terminé de coudre la décoration de mon sac…Je me dis que comme ce cher Monsieur Jourdain, depuis mon adolescence j’étais une créactiviste sans le savoir ! J’écrivais des textes d’écrivains , de philosophes ou des mots sur mes t_shirts, « no war » par exemple (non à la guerre) . J’ai toujours fait du mail art (comprenez je fabriquais mes propres enveloppes ou cartes avec des images de récupération ) etc

Afin de continuer mes recherches sur ce sujet, j’ai commandé quelques ouvrages. J’ai déjà reçu ceux de Sarah Corbett (en anglais) et j’en attends encore deux autres sur cette même thématique ; également en anglais. Je vous ferrai sûrement un retour sur mes lectures, et vous exposerez plus d’actions concrètes mises en place par ces personnes . Bien que j’aurais déjà pu le faire là. Je pense que l’article est déjà assez long comme ça.

2 réflexions sur “Craftivism

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