Lève toi et marche

Il est intéressant d’observer le rapport que la plupart des gens ont avec le fait de marcher. Quand nos aieux, il n’y a pas si longtemps en arrière pouvaient parcourir plusieurs kilomètres à pieds pour aller chercher de l’eau, faire les courses, aller au lavoir, à l’école ou sur leur lieu de travail. Actuellement les distances semblent faussées. Et la marche est plutôt réservée au loisir, à part bientôt pour quelques irréductibles.  Faire ses courses à pieds, ou n’importe quel parcours d’un point A à un point B. C’est une autre manière d’aborder la ville et les paysages. Pour ma part, je considère que c’est un moyen de transport assez fiable. Quelques retards à un rendez vous peuvent bien arriver, mais on ne peut s’en prendre qu’au propriétaire de la bécane ! Deux expériences m’ont marquées sur le fait de marcher dans notre quotidien.

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L’été dernier, je suis allée seule à Moulins pour un weekend découverte (article à retrouver dans la rubrique escapade) et surtout pour le centre national du costume de scène. Ce séjour m’avait été offert pour mes 30 ans, en arrivant je n’avais qu’à me rendre dans la chambre d’hôtes. Sortant de la gare, je lui passe un coup de fil pour savoir comment me rendre à pieds, jusqu’à chez eux.  -« Oulala , mais c’est loin à pieds! Prenez un taxi ! ». Elle m’explique tout de même le trajet. Qui s’avère assez simple, il m’aura fallu un quart d’heure pour l’effectuer. Si loin ! Pas tant que ça, cela avait titillé ma réflexion. Une fois chez elle, je lui explique mon programme. Et elle m’alerte en me faisant remarquer encore une fois, que de la chambre jusqu’au CNCS , c’est trèèèès loin. A l’autre bout de la ville…Je préfère en juger par moi même. J’avais le temps, c’était les vacances. J’aime me perdre dans les rues, et découvrir une ville hors des sentiers battus touristiques. J’ai bien fait de suivre mon intuition. Car le musée se trouvait tout au plus à 25 minutes de marche et encore, je flânais. Nos jambes ne sont elles plus faites pour leur fonctionnement originel ? J’y vois une sorte de flemmardise (quand on a la santé , bien sûr) , teintée d’un manque de curiosité. Etre casanier gagne du terrain…

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Autre souvenir, autre lieu.

Par une belle journée douce et ensoleillée. J’ai décidé de me rendre à pieds d’un village où je devais passer à la médiathèque, à un autre village où ma mère devait me retrouver. J’avais du temps devant moi. Et une terrible envie de marcher, de me défouler physiquement en douceur, tout en profitant de ce clément climat. Mais une jeune femme qui marche en bord de route…ça étonne. Je voulais marcher, juste marcher. Même pas faire du stop. Je sentais la chance avec moi (comme souvent quand je m’embarque dans ce genre de choses) je n’avais pas peur. Il y a environ 20 kilomètres entre les deux villages. Deux voitures ce sont arrêtées. La première un monsieur et son fils -« Vous voulez qu’on vous amène quelque part ? » « non merci, je veux juste marcher ». Ils partent. Deuxième voiture. -« On vous a vu partir du premier village, vous ne devriez pas marcher seule comme ça. Vous voulez qu’on vous amène quelque part . -Non merci, je veux juste marcher. – Non mais, vous êtes sûre ? C’est loin où vous allez. -J’ai envie de marcher, j’ai besoin de marcher. Je vous assure.Merci. »  Ils ont été insistants, mais j’ai tenu bon, de toute manière j’étais proche du but. Les gens et leurs angoisses….

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Qu’y a t il de si étrange ? Pourquoi ont ils si peur ? Les faits divers sordides mangent l’esprit des gens. Cela les coupe de la réalité. Il est bien d’être prudent. Mais comme on dit « la peur n’empêche pas le danger », alors autant faire ce dont on a envie. Moi j’étais heureuse, sereine, j’ai vu ce paysage toujours pris en bus ou en voiture avec un autre oeil. J’ai découvert beaucoup de choses. Tout ça, a de la valeur. Tout prend une autre dimension à pieds, même à vélo. Ce n’est pas juste prendre et repartir. C’est prendre conscience de ce qui nous entoure. Des distances, que veut dire « loin ». J’irais même jusqu’à dire que cela fait réfléchir à l’évolution de l’homme, du progrès technique. Toujours plus vite. Plus vite. Et après ? Ce ne sera plus assez vite. Il  faudra toujours grignoter du terrain pour rapprocher Paris de Brest, Nice, ou Bordeaux. Cette vitesse nous donne t elle réellement le temps pour l’essentiel ?

Marcher vers son travail, c’est prendre le temps de se mettre en condition. Marcher pour se mettre en jambe ou au contraire, se délester. Le genre de ressentis que l’on a pendant une randonnée, l’importance des appuis, de changer de rythme,  de s’écouter. Marcher tout simplement, pour ne pas oublier que l’on a des pieds.

5 réflexions sur “Lève toi et marche

  1. Je peux pas m’empêcher de penser, puisque moi aussi j’aime marcher, surtout de nuit en ville : marcher dans l’espace public non accompagné quand on est une femme, c’est aussi s’approprier cet espace (prétendu hostile pour nous), se débarrasser des peurs qu’on nous met dans le crâne, se sentir forte et indépendante. Plusieurs fois je devais rentrer chez moi le soir, les gens avec qui j’étais me proposaient de me raccompagner par « sécurité », j’ai trouvé ça gentil, je les ai rassuré sur le fait que la rue la nuit c’est agréable et tranquille et que j’ai bien sûr les capacités de me défendre si une personne m’ennuie, ce qui n’arrive jamais…
    Marcher c’est cool si c’est un vrai choix et pas la seule solution qu’on a pour se déplacer quand on a un budget serré (même si on peut y trouver des avantages par la suite).

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    • Je suis d’accord avec toi, et j’ai conscience que certaines personnes marchent car elles n’ont pas les moyens de se payer les transports en commun, ou une voiture. Peut être aussi, qu’on te propose de te raccompagner, pour faire quelque peu perdurer la soirée à tes côtés. A papoter et flâner dans les rues nocturnes.

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  2. C’est très courant, ces réflexions, moi qui prends la voiture grand maximum une fois par semaine je n’ai jamais cessé d’entendre le « mais pourquoi tu marches? »
    En général je ne réplique plus, je le fais depuis trop longtemps, je fais un grand sourire, et je dis simplement que je culpabilise moins quand je croise une pâtisserie sur mon chemin, les gens rigolent, et me laissent tranquille.

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